Interview réalisée par Anne Le Louarn et Marion Lannoy
Maguy Merlin : médiation familiale et gérontologie, quel bilan et quelles suites ?
- Vous êtes médiatrice depuis 1993, et Médiatrice familiale depuis 2006, quels ont été les éléments marquants de votre parcours, notamment ceux qui vous ont amené à développer la médiation familiale au sein de la gérontologie.
Je suis médiatrice familiale depuis 1999 et diplômée en 2006 : les éléments marquants de mon parcours :
La création du service de médiation familiale à l’UDAF 92 en 1999 en bénévolat avec Nicole Brun. J’ai été invitée en 2003 à faire partie de l’équipe pluridisciplinaire de Solres, association de lutte contre la maltraitance des personnes âgées voulue par le conseil (alors) général du 92; tous les mois, cette équipe d’experts, comprenant psychiatre, gériatre, représentants des directeurs d’établissements, des services d’aide à domicile, des travailleurs sociaux de l’APA, de la CRAMIF, de la DDASS, un avocat, un médiateur…se réunissaient pour examiner les situations qui n’avaient pu être réglées localement, soumises soit par un professionnel, soit par une famille. La réflexion collective, suivie de prescriptions, était très riche.
J’ai pris la parole sur le thème « Grand- âge et Médiation » au colloque de la FENAMEF de 2007, puis dans un article de la revue médicale Laennec sur « Médiation et Grand-âge » ( à retrouver sur : https://www.cairn.info/revue-laennec-2008-3-page-25.htm ).
J’ai aussi accompagné avec bonheur le mémoire de Laetitia Joly, car nous partageons et nos parcours (par le Droit) et nos aspirations pour des solutions amiables explorées et acceptées (v. son introduction qui donne sa motivation comparable à la mienne). Enfin, j’ai participé à une journée d’étude de la FENAMEF le 12/12/2012 sur “les conflits familiaux autour de la personne âgée : place de la médiation familiale”.
- Vous aviez fait remarquer que l’information à la médiation familiale parvenait plus facilement dans les institutions (ehpads) qu’aux personnes qui souhaitent rester à domicile, qu’en est-il aujourd’hui de la place de la médiation familiale dans l’accompagnement pluridisciplinaire autour des personnes âgées ?
La situation a évolué en 10 ans et je ne suis plus sur le terrain; néanmoins, je me demande s’il y a eu une répercussion du livre de Victor Castanet « Les Fossoyeurs » à propos des EHPAD du groupe ORPEA sur le recours à la médiation avec les familles en détresse; en outre, il existe un nouveau dispositif avec la médiation à la consommation qui peut changer la donne en ouvrant davantage la porte des EHPAD; quant aux personnes âgées à domicile, je ne sais pas comment les CLIC (qui ont pour mission d’optimiser la qualité de l’accompagnement sanitaire et social de la personne âgée vivant à domicile), ont répondu aux différentes visites des membres de MPA.
- Comment est née l’idée et la mise en place de l’association MPA ? Quelles sont ses missions ?
A l’origine de MPA, il y a la collaboration de Marie-Odile Redouin et de moi-même au sein de la commission de la FENAMEF Médiation familiale dans les situations de vieillissement; chacune de notre côté, nous avons invité des médiatrices intéressées par ce thème à réfléchir sur les situations que nous rencontrions et nous échangions nos points de vue chez Marie-Odile; c’est ainsi qu’après une ou deux années, nous avons créé l’association.
- Vous indiquez que les premières médiations familiales en gérontologie concernaient les relations familiales grands-parents/petits-enfants. Quelles sont les nouvelles problématiques aujourd’hui ?
Les problématiques n’ont pas tellement changé; je pense que la médiation grands-parents, parents, enfants est entrée dans les mœurs, d’autant qu’elle est recommandée par les JAF de préférence à une réponse judiciaire. Pour le reste, les principales difficultés se posent au moment de la perte d’autonomie d’un parent si les enfants ne sont pas d’accord sur la nouvelle organisation de la vie de ce dernier ( voir les problèmes dans la famille Delon à rapprocher des problèmes passés de la famille Bettencourt).
La deuxième situation délicate survient au moment du décès où la médiation pourrait éviter les règlements de compte sur la place publique.
- Quels sont selon vous les défis pour la médiation familiale en gérontologie aujourd’hui, et l’intérêt de MPA ?
Il y en a de nombreux; j’en avais cité quelques-uns en 2007; je pourrais ajouter, les signalements trop tardifs, les personnes présentant des troubles psychiques graves, les difficultés à évaluer les besoins et les aspirations d’une personne âgée en refus d’aide.
Quant à l’intérêt de MPA, je parlerai plus d’une conviction que là est la bonne voie, que c’est la seule manière de rendre chacun responsable de sa décision prise en concertation avec comme objectif le « bien » de la personne dépendante de tous.
- Avez-vous une situation à nous partager qui vous aurait marquée ?
Pour les situations qui m’ont marquées, vous pouvez vous reportez à celles indiquées en 2008 et également,, les situations rapportées par Elisabeth Gailly dans l’article paru dans Odyssée en septembre 2015, » La médiation familiale dans les situations de vieillissement » pages 7 à 10. Par exemple, elle cite la situation suivante : “Ma mère de 90 ans ne peut plus rester chez elle, elle ne cesse de tomber. j’ai enfin trouvé une place en Ehpad. Ma mère est d’accord pour quitter son appartement et aller en maison de retraite, mais ma sœur qui habite à 60km l’a très mal pris et me dit que je vais précipiter sa mort. je n’en peux plus.”[1] ou encore “ Mon père est en maison de retraite; on ne s’occupe pas bien de lui. Le personnel n’est pas compétent. Le directeur ne m’écoute pas. “[2].
[1] Elisabeth GAILLY, La médiation familiale dans les situations de vieillissement, Odyssée, 2015 (https://www.calameo.com/read/00010027606e7f17e66e1)
[2] idem
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